12 jours de bonheur ! Partis de l'Ourika, nous avons traversé le Haut Atlas en suivant la route des caravanes d'autrefois, pour arriver aux plateaux désertiques de Ouarzazate, et enfin l'oasis de Skoura. Sur cette carte, les points représentent les 2 étapes de chaque jour, numérotés dans l'ordre : le premier point représente le lieu de pique-nique et le second, celui du bivouac.

Lundi 04 octobre
Départ de Tnine lOuriken (903 m)
Bivouac à Assaka (1477m), vallée d'Aït Bou Saïd
Le minibus longe les remparts de la palmeraie. Ici Marrakech s'étire en longues avenues vides, territoire des taxis et des cars de touristes. Quartier européen, réinvesti par les marrakchi après l'indépendance. Tout droit, en face, les premières montagnes nous appellent.
"Oukaïmeden, c'est là, derrière", indique Abdou en pointant un col entre deux sommets. En s'approchant, on découvre que la neige recouvre déjà une partie du massif. La fin de l'été, le début de l'hiver se confondent pour notre plus grand plaisir.
La route serpente vers les montagnes. On s'arrête dans un village, deux rangées d'arcades abritant des échoppes, pour acheter des réserves d'eau minérale si chère aux Européens, marque Sidi Ali ou Sidi Harazem selon l'approvisionnement.
Un pont, bande de béton presque au ras d'un oued, oued à sec sauf quelques mares d'eau verte.
Sur ce pont, des dizaines de piétons, ânes, mules, charettes, voitures, taxis, se bousculent en cadence.
Il faut fendre la foule au pas, et s'approcher de l'épicentre de cette agitation matinale : le souk.
Nous sommes à Tnine lOuriken (tnine signifie le chiffre 2 en arabe, donc le lundi puisqu'on compte à partir du dimanche; beaucoup de lieux portent le nom d'un jour, cela signifie que c'est le jour du souk dans ce village - et en effet, nous sommes lundi, CQFD !).
Ce village s'appelle aussi, sur les cartes, Dr Caïd Ouriki, ou encore, sur des cartes plus anciennes, Tigemmi n Oumzil et Tnine.
Le souk en lui-même s'étend sur des centaines de mètres, avec ses tentes blanches, organisées par métiers : bétail, alimentation, fournitures scolaires& Nous longeons des mètres linéaires de cahiers, manuels d'école primaire, disposés sur des nattes à même le sol. Tout n'est que brouhaha, bousculade, klaxons, autour de notre embarcation flottant dans le magma humain et animal.
Nous quittons Tnine l'Ouriken par les hauteurs, premier contact avec les pistes ingrates du Haut Atlas. Alors que le vacarme du souk s'adoucit, l'air chargé des senteurs de pins nous berce jusqu'au point de rendez-vous avec l'aventure.
Les chevaux sont là, autour d'une clairière, attachés aux pins, des épines plein les crins. A l'ombre, les yeux mi-clos et la queue en chasse-mouches régulier, ils profitent d'une dernière sieste avant le départ.
Après une première balade de mise en selle, nous déjeunons sur la natte et siestons sur les matelas. Abdou fait une blague au cheval de Mohcine, Khafif,
4 ans, en jouant sur son téléphone mobile un bruit de hennissement. Le cheval dresse la tête d'un coup, les yeux écarquillés, scrute l'horizon, puis hennit à pleins poumons, dans l'hilarité générale. D'en bas, la rumeur du souk nous parvient atténuée, et pourtant si proche que nos yeux, embrassant le carré de tentes bien lointain, semblent bernés par une illusion d'optique.
Départ. Dernières recommandations ("garder les distances", "ce sont des entiers", "ne pas les laisser dépasser, surtout au trot et au galop"&), Sil expert d'Abdou qui en quelques secondes a vérifié que les tapis étaient bien dégarrotés (le tapis de selle ne doit pas toucher le garrot du cheval, sinon les frottements entraînent des blessures fâcheuses), que les étriers étaient à bonne longueur, et qu'on n'a rien oublié sur le campement. Abdelkebir notre chauffeur, et Abdeslem le cuisinier, nous saluent et partent avec le minibus. On ajuste les rênes, on ferme les sacoches, et yallah!, c'est parti.
Cette première étape nous mène dans les terres rouges et ocres, sur des pistes vides, à l'exception de quelques 4x4 qui nous doublent dans un nuage de poussière. Les voyant arriver, Abdou nous indique toujours le bon côté de la piste où nous ranger, selon le sens du vent. Nous passons à côté de mines de sel qui me rappellent celles de Ouirgane.
Nous croisons des enfants dans le village d'Assaka, qui nous suivent durant des centaines de mètres, en courant. Ils parlent quelques mots de français, connaissent par cSur les marques des véhicules tout terrain qu'ils nous annoncent fièrement, et éclatent de rire quand on leur dit quelques mots en berbère, ayyis (cheval), aghioul (âne), tasserdount (mule), taffukt (soleil.)
Ils nous accompagnent jusqu'au terrain où nous passerons la nuit, entre figuiers de barbarie et pommiers, terrain qui appartient à une famille berbère dont la ribambelle d'enfants nous observe de loin avec curiosité. La mère, Khadija, aide Nicole à installer sa tente en balayant le sol avec application, à l'aide d'une balayette en alfa. Nicole s'installe face au précipice, plein Est pour profiter du lever de soleil. En bas, la vallée d'Aït Bou Said, superbe contraste de minéral et de végétal, de rouge et de vert.
La nuit tombe vite. On distribue l'orge aux chevaux à la lumière des torches. Première veillée sous la tente où il fait bon. Premiers échanges en français, anglais, arabe, berbère, salade de langages propice au rire.
Le ciel étoilé attire Abdou et Mohcine qui décident de dormir à la belle. On les retrouvera à 7H du matin recroquevillés comme des chenilles dans leurs duvets, pas un cheveu qui dépasse : ils ont eu froid. Les chiens aboient une grande partie de la nuit, c'est aussi ça la nuit dans la campagne marocaine.