Mercredi 13 octobre 2004
Pique-nique au barrage de Ouarzazate
Bivouac près du douar Afra
Encore une chaude journée. Dès les premiers rayons, le soleil cogne. On se croirait au mois de juillet, alors que nous sommes mi-octobre. Nous prenons la direction du barrage de Ouarzazate, pas de piste, mais comme les jours précédents de grandes steppes désertiques. Comment se lasser de ce tableau, deux oreilles pointées, la crinière chahutée par le vent, l'horizon qui semble fuir un peu plus à chaque pas&
Nous longeons des cultures, et des jardins d'où s'élance un cyprès, incongru dans ce décor. Des champs de luzerne qu'il faut contourner. Au sol courent des coloquinthes et leurs tiges en serpentin.
En face, une colline, en promontoire, sur laquelle on distingue quelque chose : c'est une table d'orientation, nous dit Abdou, et nous allons justement la voir.
Retour à la civilisation, il faut traverser la route P32, qui arrive de Ouarzazate. Comme toujours, Mohcine se place d'un côté, Abdou de l'autre pour arrêter les voitures dans les deux sens. Nous passons entre eux; traverser rapidement mais au pas, toujours.
En face, quelques habitations au pied de la colline, que nous escaladons, enfin& nos chevaux. Nous, les cavaliers, couchés sur l'encolure, l'Sil visant le sommet, alors que les chevaux s'essoufflent à peine, de vrais athlètes.
En haut, un plateau, avec tout au bout la table d'orientation en pierre. Elle reproduit le panorama sur deux demi-cercles, qui couvrent 360 degrés. Tag regarde attentivement la zone qui couvre le Dadès, Skoura, c'est là où nous allons, le sait-il ?
D'ici on voit le début du Dadès qui part vers l'Est, les montagnes de l'Atlas au Nord, le lac artificiel de Ouarzazate au Sud.
Nous repartons, en route vers le pique-nique. Après avoir traversé des champs de roseaux où la terre meuble nous surprend, car les sabots s'enfoncent parfois, nous parvenons au bord du lac. Il est immense, rappelle un peu le lac d'Annecy - je ne sais pas pourquoi.
Les berges sont en galets, et tout autour, il n'y a qu'une forêt de tamaris où nous attachons les chevaux.
Comme il n'y a pas d'arbre, c'est à l'ombre du 4x4 que nous pique-niquons. Nous sommes à côté du Golf de Ouarzazate et de ses villas modernes, comme une résidence pour fortunés. Il paraît que le roi descend là quand il passe à Ouarzazate.
Le barrage de Ouarzazate, appelé " El Mansour Eddahbi", a été construit en 1971 et retient 560 millions de mètres-cube d'eau. Il récolte l'eau de la fonte des neiges et des pluie de l'Atlas.
Avant sa construction, le Dadès et le Draa se rejoignaient. Désormais, le barrage contrôle le débit du Draa, et ouvre 2 à 5 fois par an ses vannes pour irriguer le Draa et le désensabler, pour un volume de 250 Mm3.
C'est la journée des blagues. D'abord, Abdou appelle Ibrahim avec le portable de Hassan, et se fait passer pour Abdelkader le sourd-muet (lire son portrait), qui parle par syllabes en "A". Il crie "Anacha ???" dans le combiné, ce qui signifie "Achnou ?" c'est-à-dire "Quoi?" Ibrahim nous dira plus tard qu'il pensait que c'était Abdelkader, qui appelait depuis mon portable. On a bien ri; il faut dire que l'idée qu'Abdelkader utilise un téléphone est plus qu'incongrue !
Ensuite, alors que nous sommes en pleine sieste, cherchant l'ombre rétrécie derrière le 4x4, on entend des bruits de sabots. 
Nous pensons à un cheval qui s'est détaché, mais non, c'est Nicole qui a détaché Albinos, lui a accroché des rênes sur le licol, et essaie maintenant de monter à crue.
La voilà chevauchant l'étalon blanc au nez rose, en direction du lac. Non& elle ne va pas & ?! Eh si !
Elle entre, talonnant le cheval qui hésite, regarde de près les flots, se raidit. Elle insiste, et Albinos avance, avance jusqu'à avoir l'eau en haut des jambes.
Mohcine nage à côté, et bientôt il n'est plus seul, Albinos aussi, ses naseaux retroussés et la tête la plus haute possible.
Il ressort de là, toujours avec Nicole dessus, il a pris un vrai bain !
Là-dessus, Abdou se dit que nous avons le temps de doucher les autres chevaux,
qu'ils pourront sécher au soleil d'ici le départ. 
Et hop, à quelques mètres de femmes qui déversent du Tide (lessive très répandue au Maroc) en pagaille et nous regardent étonnées, nous approchons Tag de l'eau. Pas question de l'y faire entrer, d'accord, il sera douché juste au bord. Savonné, massé, rincé, on se sert de la corde comme d'un couteau de chaleur (il s'agit d'un outil qui racle la sueur des chevaux après l'effort, afin qu'ils ne prennent pas froid.) Ensuite, je l'attache court, il ne faudrait pas qu'il se roule.
La séance prend des allures de jeu avec Khafif qui n'a pas souvent eu l'occasion d'entrer dans l'eau, mais apprécie.
Avant de repartir, séance de chasse aux tiques, tous nos chevaux en ont, sans doute à cause du pique-nique à Amerdoul où il y a souvent des chameaux. A moins que ce ne soit l'oasis de Naga ?
Nous longeons la route P32 en direction de Skoura, passons sur l'ancien golf de Ouarzazate, qui n'est plus en état mais dont on voit encore les reliefs caractéristiques. Nous descendons vers le Dadès, il y a là des ravins à contourner, des champs de roseaux où l'on s'enfonce, nous cherchons notre chemin.
Nous voilà sur les rives du fleuve. Un régal ! Berges sablonneuses, torrents à traverser, dont on ne voit pas toujours la profondeur !
Des nuées d'oiseaux s'envolent à notre passage. Dont quelques grues, je crois. Le décor est splendide, des roches rouges de chaque côté, les palmiers verts et bruns, le ciel bleu, l'eau bleue et verte.
Le soleil descend, donnant des reflets d'or à l'eau qui éclabousse. Parfois le torrent est si profond qu'il faut lever les pieds, et les sacoches aussi !
Plus loin, avec Nicole nous tentons un chemin différent derrière une large haie de bambous grands et costauds mais voilà, c'est une impasse et plutôt que de faire demi-tour, nous traversons la haie, épaisse de plusieurs mètres.
Je manque d'y laisser les jambes accrochées de part et d'autres, Tag nous tire vers la sortie, oh mais qu'est-ce qui me coince là ?, il nous arrache d'un bond qui fait bien rire les autres.
Nous arrivons au coucher du soleil au douar Afra. Rive nord, où nous marchons, des kasbahs à l'abandon, pas encore en ruines : elles sont restées intactes, comme une ville fantôme. Tout le monde vit de l'autre côté de l'oued.
Plus loin le campement est monté, sur une colline, dans les cailloux.
