Lundi 11 octobre 2004
Pique-nique à Amerdoul
Bivouac à Anou n Boko (puits perdu)
Beau lever de soleil sur le campement. Ayant goûté le coucher du soleil d'hier soir, nous l'attendions de pied ferme ! Après quelques photos, et quand les rayons chauffent bien, nous prenons le petit déjeuner "en terrasse" sur la natte et les matelas.
Nous partons en direction d'Ait Ben Haddou par l'oued El Melh ("oued salé".) Chemin de pierres, de roseaux, et de tamaris. Quand il y a de l'eau nous faisons marcher les chevaux au plus profond, pour leur baigner les jambes.
Bientôt, voici, majestueux, le ksar d'Aït Ben Haddou, sur notre gauche. Il paraît très ancien, comme un décor antique; il a servi de décor à Lawrence d'Arabie, Sodome et Gomorrhe, Jésus de Nazareth, et est classé au Patrimoine mondial par l'Unesco.
En face, des bâtiments modernes, roses, en béton : affreux. Et entre les deux, allant et venant l'appareil photo à la main, des touristes partout. Nous vient l'idée de les charger, à cheval; ce n'est pas gentil, mais on devient presque sauvage à chevaucher ainsi dans le désert.
Notre fond civilisé revient au galop, car nous posons pour la postérité, tous en ligne, devant le ksar.
Puis nous quittons les lieux par un terrain bien plat, terrain de fantasia qui donne envie de galops effrénés. On se rattrape, quelques centaines de mètres plus loin, sur un chemin, mais tous en ligne.
Sinon c'est la fantasia dans les buissons !
A midi, c'est la surprise, que nous découvrons d'un coup en contrebas de notre plateau désertique : une sorte d'arène romaine, visiblement en ruine& en fait c'est un décor de cinéma qui a servi pour Astérix & Obélix et est conservée depuis. Enfin, il y a un gardien, qui fait visiter.
Nous attachons les chevaux juste à côté, à des palmiers aux feuilles si pointues qu'on s'y blesse immanquablement. Le lieu s'appelle Amerdoul.
Seuls au monde dans ce théâtre fantôme, nous déjeunons à l'ombre, au son du poste de radio qui aide le gardien à tuer le temps. Une partie du décor est à nu, l'oued a tout dévasté à plusieurs reprises nous dit-on.
Abdou et Abdeslem s'amusent à soulever un faux rocher, dont l'un des côtés, abîmé, montre le subterfuge : il est creux, fait de grillage et de ce qui ressemble à du papier mâché.
Dehors, en plein soleil, il fait très chaud. De petites mares saumâtres abritent de minuscules grenouilles, Nicole dit que c'est signe de pureté, et encore plus s'il y avait des salamandres.
L'après-midi, le décor commence vraiment à évoquer le Saghro et Skoura : désert de pierres à perte de vue, collines et ravins. Avec Nicole, qui s'entend à merveille avec son Albinos, nous faisons route à part, un peu lassées par la queue leu leu. D'autant qu'avec le groupe nous avons tenté quelques galops sur ces étendues trop vastes, mais les chevaux chauffent, cherchent à se doubler, on doit se remettre en file indienne.
Il fait un temps magnifique depuis le matin, grand ciel bleu avec quelques nuages hauts, étirés en virgules. Nous cherchons le puits du point de bivouac, mais ne le trouvons pas. Ici tout se ressemble. Au fond à droite, la ville de Ouarzazate, au fond à gauche, la barrière de l'Atlas, avec le massif du M'Goun encore plus à l'Est.
Tag est encore en grand forme, il avale des kilomètres en tête, de son pas cadencé, les oreilles pointées, heureux. Pas question de lui reprendre les rênes, il les aime longues, pour ne pas gêner son pas.
Nous voyons passer, seul dans l'immensité, le 4x4 de l'assistance, qui cherche aussi le chemin. Abdou l'appelle par téléphone; ils ont déjà fait ce chemin mais dans l'autre sens seulement. Les points de repère manquent ici.
Abdou nous laisse, et part en éclaireur au grand galop sur Farouk. "Tenez vos chevaux", a-t-il dit avant de partir, et en effet certains s'agitent un peu, envie de faire la course ou inquiétude, qui sait.
Abdou fait un grand tour, monte sur une colline, et revient. Toujours pas de trace du puits. Ce qui est drôle c'est qu'il fait très chaud, justement aujourd'hui. On se croit dans Lawrence d'Arabie !
Nous repartons finalement, droit sur la montagne au Nord pendant une petite heure, en suivant l'oued puis une piste. Bons galops en file indienne, pour aller plus vite.
Enfin, par-delà une colline, les montants du puits tant désiré, et la tente à côté du 4x4. C'est Anou n Boko, "le puits de Boko", du nom de la rivière qui passe par là, mais qui est à sec. Il faut dire qu'il pleut en moyenne 100 à 150 mm par an dans cette région, et encore, quand il pleut tout court&Le Maroc connaît une sécheresse sévère depuis presque 10 ans, les oueds sont à sec, les nappes phréatiques épuisées.
Les chevaux sont intenables, ils ont très soif. Ils se roulent dans la poussière du couchant, magnifique spectacle.
Le coucher de soleil irradie de rose les nuages à l'Ouest. Le puits perdu s'embrase aussi sur fond de montagnes. Nous ramassons des agathes, que Nicole nous a montrées, il y a en a partout, de toutes petites pierres orange.
Abdou nous raconte son expédition en solitaire de tout à l'heure. A un moment, nous l'avons vu disparaître brusquement : en fait, il a juste eu le temps de voir un petit ravin droit devant, et de faire in extremis une rêne d'appui pour que Farouk prenne la pente de biais et non tout droit (culture assurée dans ce cas !)
Ils sont passés mais de justesse, et si ça n'avait pas été Abdou, le cavalier se serait sûrement cassé la figure avec un saut pareil. Farouk, qui voit moins haut que son cavalier bien sûr, a compris au dernier moment ce qui se passait.
Nuit. Ciel étoilé au milieu du désert de pierres, et la voie lactée très nette. Laila saida, bonne nuit !