Galerie de portraits... de marocains inconnus !
Abdelkader - - - Aguida
Aguida
Elle a dans ses yeux, noirs, une vraie lumière; un port de tête élégant, et un charisme qui vous colle aux coussins du salon. Aguida est une dame du pays, fille d'Aït Ali, fille d'Agadir. Dans sa maison la grande cour intérieure dessert toutes les pièces, salon, chambre, cuisine. Cuisine où Fadma sa fille prépare le thé, en riant, intriguée par l'invitée "taroumit" (l'européenne.) La bouilloire chante, le thé s'ébouillante, safi ! retour au salon où Aguida demande à Fadma de mettre Oudaden. Pas le CD, non, dans les campagnes marocaines on est déjà passé au VCD, et on écoute une musique en images. La vidéo du concert d'Oudaden à Taroudant nous captive quelques instants, puis la conversation reprend.
Parfois une mélodie, ou un rythme plus fort qu'un autre, nous fait frapper des mains, ensemble, afous afous. Aguida s'amuse, avec discrétion. De son visage serein, on ne reconnaît pas la voix autoritaire, décidée.
Elle raconte l'Indépendance, quand au retour du roi il fallut placer un drapeau sur les maisons; elle n'en avait pas, elle accrocha au toit un foulard rouge.
Elle se souvient, aussi, du tremblement de terre à Agadir en 1960. Elle y a perdu son fils et quatre autres membres de sa famille. C'était la première nuit du Ramadan. A Ait Ali, 40 km au sud d'Agadir, la terre a tremblé aussi et les gens sont sortis pour voir. Normalement, on voit la colline (Agadir Ufella) illuminée, et en cette nuit de Ramadan où toute la ville devait frémir d'activité, ils ont vu le noir d'encre, et ont compris qu'Agadir avait été touchée.
Aguida voudrait bien que nous parlions davantage, mais la traduction, c'est moins drôle; alors j'apprendrai. Pour la prochaine fois, lalla Aguida, je vous promets quelques vraies phrases dans votre soussiya natale. Incha Allah !
Aguida nous raccompagne à regret, et nous salue gaiement sous sa marquise d'hibiscus en fleurs; Fadma m'en cueille une, le pétale séché a tatoué mon carnet. Il est déjà temps de partir, nous avons rendez-vous avec les enfants pour une distribution de cartables. Le passé, l'avenir se tiennent la main; à l'image d'Aït Ali, où hier et demain ont la même importance.
Aicha (Paris, 07/10/2005)